CONFÉRENCES ET ATELIERS (sur demande)

- Vous souhaitez mieux comprendre la vie des groupes, les relations familiales, les relations d’équipe…
- Vous souhaitez comprendre le fonctionnement des couples
- Vous souhaitez développer votre compréhension des relations humaines et votre compréhension d’autrui
- Vous souhaitez aider des proches en difficulté, dépendants, en situation de handicap ou de vulnérabilité psychique

Je vous propose :

Des conférences interactives

pour approfondir certains thèmes

- La dynamique des groupes, engagements et conflits
Un groupe est plus que la somme des personnes qui le compose et c’est toute une dynamique consciente et inconsciente qui se joue lorsqu’un groupe se crée. Les alliances peuvent être positives et source de création accrue, mais des enjeux relationnels plus sourds peuvent venir parasiter les objectifs prévus, que nous préciserons pour pouvoir les déjouer.

- Le couple, sa vie, sa fin
Chacun pense choisir un conjoint merveilleux, mais s’aperçoit que son altérité radicale peut agacer voire devenir rapidement insupportable ! nous interrogerons ces processus notamment inconscients, en concevant qu’un couple, ça vit, ça mord, et ça peut même durer mais pas à n’importe quelles conditions…

- L’approche systémique des liens familiaux
La famille est sans doute la pire et la meilleure des choses, ce peut être un lieu de bonheurs intenses, de rêves partagés et de projections magnifiques mais aussi un panier de crabes assez insupportable ! concevoir la famille comme un système de rôles et de places assignées permet de repenser la place de chacun pour ouvrir un espace de liberté et de choix… toujours relatif.

- Les nouveaux enjeux de la parentalité aujourd’hui : soutien des parents ou contrôle social ?
Le soutien à la parentalité et la parentalité positive nous offre aujourd’hui des réflexions et des propositions pour améliorer nos compétences éducatives, mais soutenir les parents ne serait-ce pas aussi les considérer comme insuffisants ? que cachent donc ces normes éducatives et cette conception d’un Idéal de la famille ?

- Les premiers liens parents-enfants et le processus d’individuation
Les premiers liens noués avec les enfants sont déterminants pour leur vie relationnelle future ; comment permettre des rencontres éducatives favorables, au plus près des besoins et des désirs de l’enfant, sans culpabiliser les parents ni promouvoir l’enfant roi ?

- Bienveillance, Bientraitance… et enjeux inconscients
La Bienveillence et la Bientraitance sont les maitres mots aujourd’hui des exigences envers les professionnels de la relation autant qu’envers les aidants familiaux ; issus de la psychologie positive, ils insufflent un vent de nouveauté sur des principes déjà visités il y a plus d’un siècle par des pionnier de « l’éducation nouvelle ». Comment tirer des enseignements de l’histoire de ces idées, et faire fructifier des conceptions optimistes mais aussi lucides de l’éducation et de la reation d’aide ?

- La dépression… maladie du siècle ?

- Dépendance et addictions

- Morale et Ethique : en ces temps d’incertitude, quelles valeurs tenir ?

- Choix et autonomie du sujet : sommes-nous vraiment libres ?

- Mettre la créativité au cœur de l’Identité

- L’Ex-istence comme devenir de création

- La souffrance au travail et le risque du Burn out
Notre monde du travail actuel exige partout de faire plus et mieux avec moins, et cultive le tryptique infernal : autonomie, responsabilité culpabilité : on vous laisse une certaine autonomie (mais vous devez rendre des comptes !) , vous avez des responsabilités, si ça marche tant mieux mais si ça échoue vous vous sentez culpabilisé; vous vous sentez frustré, pas reconnu à la mesure de vos compétences. Vous vous sentez surchargé, angoissé, découragé, des symptômes physiques peuvent apparaitre, vous vous repliez sur vos tâches urgentes et souffrez de ce qui reste toujours à faire, vous craignez les mesures de rétorsion si vous vous arrêtez,vous ressentez un manque de compréhension, vous vous désintéressez des collègues, vous devenez irritable, vous ne prenez plus la parole de peur qu’on la déforme, vous ne vous reconnaissez plus… Faut-il se soumettre, fuir, ou lutter ? Nous verrons comment faire face à l'intensification du travail, à l’activité impossible et empêchée, au problème de la reconnaissance de soi et par l'autre au travail, par l'ouverture d'un espace de créativité, de dialogue, de controverse ainsi qu'une analyse de l'Idéal professionnel.

- La formation et ses enjeux inconscients : et voici un exemple de conférence que j'ai proposé dans un centre de formation en travail social :


• Des ateliers interactifs

où nous échangerons sur vos questions et représentations en lien avec vos expériences, ce qui nous permettra ensuite d’approfondir certains thèmes et concepts, et enfin d’élaborer des réponses plus ajustées à vos préoccupations. Des jeux de rôles et des temps d’ateliers d’écriture pourront ponctuer nos ateliers.

- Atelier d’initiation à la psychanalyse

- Atelier d’initiation à la psychopathologie

- Ateliers d’initiation à la relation d’aide, à l’observation, à l’entretien.

- Ateliers sur la sensibilité : comment mieux écouter, regarder, ressentir, repérer et comprendre les émotions et les sentiments

- Atelier réflexif sur la vie affective et sexuelle : comment élaborons nous nos conceptions de l’amour et de la sexualité en lien avec des enjeux inconscients ?


• Parcours sensible :

découvrir ses manières d'observer, d'écouter, de ressentir, de rencontrer

Voici un article paru dans la revue "le Sociographe" qui évoque ce qu'est le parcours sensible

Comment contribuer à l’émergence de l’activité créatrice des futurs travailleurs sociaux ?

Résumé :

Les pratiques en travail social exigent une confrontation permanente à l’imprévu, à l’inattendu et au doute, ce qui implique de constantes innovations créatrices, que ce soit dans des ateliers dits « de création » ou dans les relations au quotidien élaborées avec les personnes concernées. Pour préparer les professionnels à ces activités créatrices, les médiations artistiques existent depuis longtemps dans la formation des travailleurs sociaux, notamment à travers différents ateliers, peinture, sculpture, danse...

Mais je voudrais présenter ici un autre type de dispositif que j’ai conçu en préalable à toute participation à ces ateliers à médiation artistique. Pourquoi ? parce que mon hypothèse est que l’émergence de l’activité créatrice passe d’abord par la conscience esthétique, par un certain travail de questionnement et de conscientisation de nos façons de percevoir, de regarder et de penser le monde.

Introduction

Pour faire naître le processus créatif, il faut créer d’abord les conditions de cette transformation du regard qui permet la création. Transformer son regard, dans le sens d’un affinement des perceptions, d’un affûtage des sens, pour revitaliser la sensibilité avant de l’utiliser si l’on peut dire… Et puis il me semble qu’en tant que formatrice, c’est tous les jours et dans le quotidien partagé avec les étudiants que j’essaie de faire émerger chez eux une certaine conscience esthétique.

Après vingt cinq ans d’expérience formative à l’IRTS de Montpellier auprès d’ES et d’ASS en formation initiale, je voudrais donc ici présenter et argumenter le dispositif que j’ai composé en première année pour favoriser l’émergence de leur activité créatrice. Je présenterai tout d’abord la problématique telle que je la conçois dans le contexte de nos formations (1), puis je développerai concrètement un dispositif que j’ai intitulé « le parcours sensible » et que je propose en début de 1°année (2), enfin j’interrogerai ma posture de formatrice qui accompagne tout ce travail.(3)

1.1 Le contexte de nos formations

La logique des compétences qui encadre actuellement nos formations est dominée par une intention réaliste et efficace qui oriente le rapport à la subjectivité. C’est un contexte idéologique et épistémique qui ne favorise pas le rapport à la création et à la transformation. J’observe en effet de plus en plus de personnes en formation qui sont dans une logique de gestion, (gestion de leur projet de formation et de leur « capital compétence »), dans une logique comptable (combien d’ECTS vais-je valider à chaque semestre ?), avec des attentes voire des exigences vis à vis des formateurs de quelques savoir-faire pour devenir « de bons professionnels » (je fais référence aux bonnes pratiques…). Cette posture me paraît bien loin d’une conduite créatrice qui est avant tout un engagement de soi, passe par un esprit ouvert et curieux, de recherche et d’interrogation, articule pensée rationnelle et pensée rêvante, laisse vagabonder son imagination, s’intéresse à l’inédit, à l’inconnu, à l’obscur, aime fréquenter de près ses fondements existentiels et « habite le monde en poète »…

Si « créer c’est déconstruire et modifier son rapport à soi, au monde et aux autres », il faut d’abord s’interroger sur sa propre sensibilité et la manière dont elle s’est constituée.

Les médiations artistiques sont en ce sens des espaces et des temps à privilégier dans la formation, mais il me semble nécessaire de commencer par un certain travail sur soi, sur ses manières de sentir, d’éprouver, et je vais donc présenter ici le travail que je propose pour inaugurer la formation des travailleurs sociaux sous le sceau de la créativité, pour favoriser « un certain état d’être » qui permette aux personnes ensuite de s’autoriser à créer.

Mais je vais tout d’abord préciser comment j’ai été amenée à concevoir ce dispositif :

1.2 Mes points d’appui essentiels

-Ils sont nés tout d’abord à la lecture d’un ouvrage de Claudine Haroche « L’avenir du sensible ». Elle entreprend d’élucider  les métamorphoses de la perception dans nos sociétés contemporaines, et la façon dont nos sens et nos sentiments conditionnent nos valeurs et nos façons de penser. Elle explique que le monde des médias qui diffuse aujourd’hui en continu des flux sensoriels et informationnels, nous fait « baigner » dans un état de fluidité et de confusion entre réel et virtuel, qui transforme en profondeur les manières de sentir, de percevoir, d’être et de penser. Dans cette nouvelle ère de « la condition sensible », « les effets produits par ces flux sensoriels continus écartent le temps de la réflexion, entravent l’exercice de la conscience et empêchent de penser de façon sourde, diffuse, impalpable et intense, ce qui influence l’élaboration de nos perceptions, de nos convictions et de nos connaissances » (Haroche, 2008, p211.)

J’ai mis en rapport ces observations avec les miennes car je repère chez la plupart des étudiants aujourd’hui une grande difficulté à maintenir une attention et une présence ; ils manifestent une sorte d’hyperactivité, (assistant à un cours tout en passant des sms et discutant avec les voisins…) me paraissent souvent « flottants », un peu ailleurs, désengagés, n’écoutant pas vraiment, presque absents ou imperméables à certains moments.

« Arrêter de s’agiter pour recommencer à penser, retrouver un apaisement psychique, une tranquillité affective, une continuité subjective » (Haroche, 2008, p.3) propose Vincent de Gaulejac dans l’introduction de cet ouvrage.

Cette lecture frappante m’a convaincue de l’urgence d’entreprendre une « éducation à la sensibilité » dans le cadre de nos formations en travail social.

Et puis mes perspectives de recherches actuelles m’orientent vers des savoirs qui sont issus d’une multitude de courants théoriques : Savoirs sensibles (Bouillet, 2001) pour articuler pensée sensible et pensée intelligible, savoirs corporels (Pujade Renaud, 2005), car le travail relationnel est avant tout porté par un corps, avec ses sensations, ses regards, sa chaleur, sa proximité ou sa distance ; Savoirs esthétiques (Saint Girons, 2008) pour déplacer nos représentations et nos visions du monde, savoirs de la philosophie, (Audi, 2010) pour approfondir le plaisir de penser et de créer, etc

Tous ces auteurs m’ont donné des mots et des savoirs pour penser. Ce sont des savoirs subtils, implicites, non observables le plus souvent, qui utilisent le corps et la créativité. Ils supposent un travail de conscience de soi que personnellement je tente de faire émerger à partir de mon expérience intellectuelle mais aussi à partir de mon expérience de quarante ans en danse contemporaine.

En effet cette  dimension artistique et esthétique est capitale dans ma conception de la formation. Une ancienne étudiante m’a dit un jour qu’elle ne voyait pas de lien entre ma pratique de la danse et mon travail ; depuis lors, j’essaie de « faire danser mon travail », de pratiquer mon travail comme un art, c’est-à-dire de créer des liens, d’articuler sans cesse ma pensée et ma sensibilité dans mon travail de formatrice, ce que j’expliquerai dans la dernière partie de cet article.

Mais auparavant je vais décrire concrètement le dispositif que j’ai imaginé pour inaugurer la première année de formation des futurs travailleurs sociaux :

2. Un parcours sensible pour inaugurer l’entrée en formation

Un travail sur le repérage précis et aiguisé de nos perceptions et de nos sensations me paraît une entrée originale et importante pour ouvrir les questions de la création.

2.1 Les objectifs

L’expérience formative que je propose mobilise le corps, le jeu, l’écriture, la réflexion personnelle approfondie, l’échange et la rencontre. L’objectif essentiel est d’apporter aux futurs professionnels de la relation humaine un questionnement personnalisé sur les rapports entre corps et parole, perceptions, sensations et rencontre de l’autre. Mon hypothèse est que ce travail sur la sensibilité permet de mieux appréhender son propre rapport au monde et à l’autre, d’en exalter l’intensité et la complexité.

Concrètement il s’agit de partir faire une petite déambulation dans la nature au sein de l’Institut de Formation et explorer comment les cinq sens sont convoqués dans cette expérience. Puis nous échangeons sur les perceptions et les sensations de chacun. Nous pouvons repérer les points communs et les différences. Au cours de ce parcours, des traces écrites sont élaborées par les étudiants, qui seront réutilisées au cours de leur formation.

Cultiver un regard plus aiguisé sur le monde et sur soi-même, regarder avec le plus d’acuité possible ce qui se passe, tenter à partir de là un petit écrit personnel, peut-être un peu poétique, quelque chose d’inédit et de non prévisible, glaner des traces et travailler sa mémoire sensible ; recueillir des bribes de l’expérience et la partager pour en faire un support de débat et de formation : Voilà quelques éléments de ce parcours qui vise à articuler intelligibilité et sensibilité, et à accompagner les étudiants dans la prise de conscience de ce qu’ils ressentent, de ce qu’ils perçoivent, de ce qui les retient, les touche, de ce qui existe autour d’eux et qu’ils ne perçoivent pas « à première vue ». Enfin, les amener à découvrir comment leur sensibilité plus affinée favorise une présence plus affirmée dans la rencontre avec l’autre.

2.2 Description du dispositif :

Je commence par présenter l’argument au groupe. Je précise que cette expérience est une proposition de travail que chacun peut suspendre ou aménager si besoin ; les écrits proposés pourront être gardés en leur possession, ou partagés avec quelques uns, ou avec tout le groupe lors d’un débriefing final, et/ou transmis au formateur, qui de toutes façons leur rendra en fin de module.

Le parcours démarre avec une petite expérience de relative étrangeté : je distribue tout d’abord une petite plante odorante à chacun, puis je demande aux étudiants de se mettre en file indienne, et puis je chuchote une phrase dans l’oreille du premier de la fil : « à quoi tenez-vous dans la vie ? » sans préciser ce qu’il devra faire de cette phrase, si ce n’est la transmettre à celui qui le suit et ainsi de suite. Emmener le groupe sans qu’il sache bien où ni pour quoi faire, telle est ma démarche. C’est pour moi une métaphore de tout ce qui attendra les professionnels dans leur travail futur avec des personnes qu’ils ne connaissent pas et qui les emmèneront dans leur vie et dans leurs préoccupations…

Nous déambulons quelques minutes, puis je m’arrête pour demander à chacun d’écrire rapidement ce qu’il a vu, entendu, perçu et ressenti jusqu’ici. C’est alors que la plupart des personnes réalisent qu’elles n’ont pas regardé grand chose et qu’elles n’ont pas été attentives vraiment à ce qui les environnent…

Je propose ensuite un moment de fermer les yeux et d’écouter ce qui peut l’être, de se demander quel est le son le plus proche, le plus lointain, quels sont les parfums qui arrivent au nez, quel est l’état de corps du moment.

Puis je propose d’ouvrir les yeux et de regarder attentivement devant soi l’horizon, de repérer ce qu’il y a au loin en terme de couleurs, de formes, comme on regarderait un tableau.

Puis je demande de regarder un cm2 devant son orteil droit avec la même acuité.

Ensuite j’invite chacun(e) à déambuler dans un espace clos et étroit sans regarder les autres qu’il croise, et en essayant d’être attentif à ses perceptions. Puis après quelques minutes je demande la même chose mais en regardant les personnes que l’on croise. J’invite chacun(e) à noter la différence qu’il ressent entre ces deux propositions.

Puis à écrire sur son vécu de cette seconde étape du parcours.

Ensuite chaque étudiant est invité à aller circuler un peu dans l’espace, puis choisir un lieu qui lui plait, s’y installer confortablement, et reprendre un temps pour aiguiser ses cinq sens et écouter, regarder, sentir vivement ce qui se passe autour de lui et en lui, et l’écrire.

Ensuite, chacun est invité à emmener deux ou trois autres personnes dans ce lieu, et expliquer pourquoi il a été choisi et ce qu’il évoque pour lui.

Puis ce petit sous groupe est invité à discuter de la première phrase qui lui a été chuchotée à l’oreille au début du parcours, et les étudiants peuvent là échanger sur leurs valeurs et leurs priorités de vie. Ils peuvent aussi écrire comment ils ont vécu cette rencontre.

Enfin, un temps d’échange collectif en grand groupe va clore tout ce travail et permet d’explorer les différences et les ressemblances perceptives et les diversités possibles dans l’écriture de l’expérience.

Chacun est invité à lire tout ou partie de ce qu’il a écrit, puis un échange s’ouvre sur le vécu de l’expérience. Certains la vivent avec plaisir et retiennent surtout son aspect ludique, d’autres la vivent comme pénible et certains l’arrêtent même avec gêne en cours de route. J’essaie de redonner du sens à tout cela en lien avec les futures expériences professionnelles qui les attendent : comment accepter l’inconnu de la rencontre, comment faire confiance quand on ne connaît pas ce qui nous attend, comment le corps est en jeu dans cette expérience, quels sont nos ressentis, nos sentiments, nos limites, quelles sont nos habitudes, quelles sont nos valeurs, comment accepter la rencontre avec celles des autres etc…

Cette proposition de travail s’articule bien entendu avec d’autres instances de travail au sein du centre de formation.

3. Quelle posture pour accompagner l’émergence de l’activité créatrice ?

Qu’est ce qui caractériserait ma posture d’accompagnement ? De quoi est-elle composée ?

De valeurs, d’intentions, d’attitudes intérieures et extérieures, physiques et psychiques, de certaines dispositions, de discours, de savoirs multiples et parfois non visibles. Le formateur peut-il être un médiateur esthétique ?

Pour moi cette posture se vit et s’invente chaque jour dans le quotidien partagé avec les étudiants. Dans la mesure où il s’agit d’un travail d’accompagnement à la fois collectif et individualisé qui s’ajuste à chaque sujet, il me semble indispensable de concevoir des espaces relationnels qui laissent du jeu, de la place à l’improvisation réglée, à l’inspiration créative. Autrement dit, ma posture s’invente non seulement dans les espaces prévus à cet effet, mais aussi tout au long des journées, dans les interstices, dans les intercours, dans les moments informels et non programmés. Je précise ici que je suis référente de promotion en première année et que cette fonction m’a beaucoup fait réfléchir aussi à ce que nous pouvons véhiculer et transmettre au delà des aspects formels prévus dans nos fiches de poste. Etre responsable de promotion, c’est non seulement concevoir des dispositifs et des programmes, mais c’est surtout une fonction de veille, d’accompagnement créatif, une fonction symbolique en somme, portée par une posture particulière.

Je voudrais préciser ici cette posture sensible, qui cherche la congruence, la souplesse, la finesse, la fantaisie, la créativité mais qui s’appuie aussi sur une exigence et une rigueur.

Je dois préciser que les différents éléments que je vais présenter ici sont tout à fait imbriqués, tressés ensemble, mais que je vais les présenter successivement pour plus de clarté.

3.1 La Présence

Ce qui se manifeste tout d’abord, c’est un certain rapport à la présence et un travail sur mes propres attitudes : Il y a tout d’abord un mouvement permanent d’accueil et une forme de rencontre humanisante et vivante.

Dans le dialogue avec les personnes en formation, je travaille beaucoup à partir de ma propre présence sensible : ma subjectivité est posée d’emblée, jamais évacuée mais travaillée : ressentir, regarder, écouter et résonner à partir de mes propres mouvements intérieurs, entendre les désarrois, les doutes, les reculs, les angoisses, cela passe par le corps et l’articulation entre corps, intelligence (inte-ligere : lire entre les lignes) et parole de justesse.

Je suis en mouvement, je regarde avec mon « troisième œil », j’écoute avec ma « troisième oreille », je suis dans l’écoute profonde; je m’appuie sur ce que je perçois, ressens, et mon savoir me sert de guide, je me laisse embarquer car j’ai des repères, des balises, et j’essaie de créer un bel espace large, ouvert, mouvant, de réflexion, de pensée, de débat, de conflit possible, au sein d’un espace protégé et garanti.

Mes convictions et mes valeurs s’appuient sur l’idée d’une homothétie entre la relation formative et la relation en travail social : Je fais l’hypothèse d’un lien entre ma propre manière d’habiter poétiquement ma relation aux étudiants, et la manière dont ils pourront réfléchir à partir de là, à leur propre relation aux personnes concernées. Au fond je pense qu’en matière de relation à l’autre, la transmission passe par un parcours accompagné plus que par la délivrance de prescriptions ou de conseils. C’est la manière dont le formateur habite et anime ses attitudes, ses valeurs et ses actes, qui va permettre à l’être en formation d’interroger ses propres gestes professionnels.

Comme l’écrit Claudine Blanchard-Laville (2004, p.25) : « Il s’agit un mode de transmission primordial aujourd’hui : la transmission subjective du geste. J’ai la conviction que ce n’est que par l’intermédiaire de l’autre formateur-praticien que la transmission du geste d’être soi-même praticien peut avoir lieu : il faut en avoir reçu le courage dans une rencontre avec un autre (…) C’est grâce à son engagement en acte dans le geste partagé que l’un des acteurs pourra transmettre ce geste à l’autre. »

3.2 La posture renvoie aussi au corps en jeu

C’est avant tout par mon corps que je vais être perçue tout d’abord : on peut utiliser son corps sans y penser, mais c’est au fond toute une part de notre identité qui transparaît et que nous donnons à voir. C’est la première image de moi qui a un impact fort sur la posture et qui s’inscrit dans la rencontre, que je peux montrer ou cacher, valoriser par quelques stratégies vestimentaires ou ornementales ; personnellement je « joue » beaucoup avec ces éléments (tenues vestimentaires variées, colorées, bijoux, fleurs dans les cheveux, maquillage), pour favoriser les réflexions des étudiants sur l’imaginaire du corps.

Par ailleurs la pratique de la danse et du yoga m’a appris l’importance de s’intéresser très précisément à l’impact des petits détails corporels. La posture juste au yoga demande parfois des années de travail, d’observation et de tentatives, et c’est celle qui tiendra longtemps sans faire mal… Dans la danse j’ai appris que le moindre geste peut changer considérablement la portée d’une figure ou d’une rencontre (une hanche juste un peu trop avancée et tout le mouvement en est modifié ; une main placée juste un peu de travers peut faire tomber un porté !)

Et dans la rencontre en travail social ou en formation, « le moindre geste », autant que les sourires, les mimiques qui accompagnent notre discours sont essentiels en terme de congruence : cette manière d’accorder nos pensées, nos convictions, nos discours, avec nos mouvements et nos attitudes est déterminante en terme de justesse relationnelle.

Ainsi la posture met en jeu une dynamique de travail et une gestualité minutieuse, il y a du corps en jeu dans le plaisir de l’attention vive, du soin porté à l’autre et à la relation, des variations, des ajustements, des tentatives pour être dans la proximité et la délicatesse relationnelle.

3. 3 Faire grande place à la sensibilité et à la pensée rêvante

J’aime comme articuler intelligibilité et sensibilité, et concevoir les savoirs esthétiques comme des « fenêtres ouvertes sur le monde » : « je rêve d’une pensée du jour qui serait rêvante » écrit Pontalis (2000, p.39) : associations libres, improvisations, mouvement des idées qui nous viennent même si elles paraissent au départ « hors sujet » : prendre le temps de musarder, « perdre son temps » à des riens qui ont de l’importance, des évènements « insignifiants significatifs » me paraît essentiel.

Je cherche à redonner vie au sensible, dans le désir incessant d’un plus loin, d’un pas de plus, cherchant l’absence de clinquant, l’étonnement devant le banal, une forme d’éveil…

Cela se travaille notamment par le regard et par le langage : Je cherche à travailler la puissance d’étonnement, une certaine attention poétique, modeste et sensible à l’extraordinaire de l’infime, du quotidien, plutôt qu’à la magie miroitante de l’original et de l’ailleurs. Extrême attention, acuité, présence active du regard, présence au surgissement de la réalité, voilà ce que j’essaie de transmettre pour regarder le plus intensément possible là où je suis.

Et puis je travaille le goût des mots simples et de la justesse : je cherche des mots « qui donnent envie », je cherche à leur redonner vie, de sorte que les mots retrouvent un vif attrait, un impact et une dimension poétique.

Je vois aussi le travail de la sensibilité à travers les gestes infra ordinaires qui meublent notre quotidien partagé avec les étudiants : car la formation passe aussi par ce climat de créativité qui se manifeste dans le millefeuille des rencontres, discussions et connivences pour faire vivre des bribes d’enchantement et une poétique du quotidien partagé. Je tente de travailler « la part sensible de l’acte » comme l’écrit cette formatrice ES J. Libois (2013) qui valorise la rencontre au quotidien et tous ces micro évènements qui sont pour elle des formes de résistance à l’inhumanité. Elle cultive le « laisser advenir » et le « presque rien » qui surgit dans le vivre ensemble au milieu des tâches minimes (ouvrir les volets, installer une salle, se dire bonjour…) Agir discrètement dans le quotidien est un acte qui peut avoir un sens profond et devenir poétique, utilise la mètis, l’intelligence rusée qui lit entre les lignes des référentiels de compétences ce qui n’y apparaît pas, et le kaïros, ce sens de l’évènement opportun qui permet d’intervenir à bon escient à partir de moments apparemment insignifiants.

Enfin, je conçois le travail de la transmission comme artistique car il me vient souvent quand je travaille avec les personnes en formation l’image du sculpteur : « je sculpte la relation » avec une extrême attention ; il faut savoir se déplacer, tourner autour, reculer, s’ajuster, recomposer son geste professionnel en permanence. Le risque est bien sûr dans le fantasme de Pygmalion, et je sais combien j’ai envie parfois de configurer l’autre à mon image ! (Voir ma thèse, « Désir d’emprise et éthique de la formation », Vallet, 2003) mais je vois aussi la sculpture comme un travail d’évidement : je pense au beau travail sur les arbres de G.Penone qui creuse et décortique l’arbre en suivant ses cernes de croissance jusqu’à retrouver son cœur, il révèle les matières, les métamorphoses de l’arbre, il questionne l’étendue du visible et il me vient ainsi l’image de la rencontre avec les étudiants : à partir d’un « matériau initial », je tente de trouver comment enlever le superflu pour faire ressortir la richesse d’une belle forme cachée à l’intérieur, comment faire jaillir, faire apparaître ce qui est en dormance…

Conclusion

J’ai essayé de décrire ici le travail que j’ai entrepris pas à pas, année après année, pour aller vers un travail d’accompagnement qui devienne de plus en plus sensible et créatif. Mettre la créativité au coeur de l’identité a été pour moi un tournant existentiel qui m’a permis d’articuler Ethique, Clinique et Esthétique, pour penser la formation comme accompagnement à la transformation de soi, dans la combinaison entre différentes dimensions essentielles : raison et émotions, savoirs rationnels et savoirs sensibles, rigueur et rêverie, travail sur soi et travail avec d’autres.